C’était l’info du jour hier, un petit coup de tonnerre pour tous les suiveurs assidus du cyclisme en apprenant la transfert de Cian Uijtdebroeks de la Visma vers… son improbable future destination : Movistar !
Très peu de personnes étaient au courant, et en ça on peut féliciter les trois parties qui ont fait de cet accord non pas une rupture de contrat, mais bien un transfert entre gens intelligents.
VISMA N’EST PLUS « JUMBO »
Est-ce que ce transfert est si étonnant que ça ? Pas vraiment.
Depuis le départ du sponsor principal Jumbo à la fin de 2023, l’équipe Visma | Lease a Bike (anciennement Jumbo-Visma) fait face à une transition financière qui se traduit par une réduction potentielle de son budget et des signes de difficultés à retenir certains coureurs.
Ce basculement vers un modèle de sponsoring plus restreint s’est accompagné de pertes de partenaires secondaires, comme Gorillas et plus récemment AGU en décembre 2024. Ces éléments illustrent un manque de moyens qui rend l’équipe moins attractive pour les coureurs ambitieux, menant à des départs notables, parmi ceux-ci on pense à :
Primoz Roglic (Red Bull Bora), Olaf Kooij (AG2R), Tiesj Benoot (AG2R), Attila Valter (Bahrein Victorious), Dylan van Baarle (Soudal Quickstep), Johannes Staune-Mittet (AG2R), les frères Van Dijck (Red Bull Bora), Jan Tratnik (Red Bull Bora), Thomas Gloag (Q36.15)… et aujourd’hui Cian Uijtdebroeks.
UNE FORMATION DES JEUNES EN QUESTION
Il est toujours difficile de placer des jeunes talents dans les conditions idéales pour leur faire passer un cap chez les pros, et encore plus dur d’en faire les champions de demain.
Cependant, au cours des dernières années, Visma ne semble plus vraiment avoir le savoir-faire qui a permis à des Roglic, Vingegaard (Ndlr : qui venait pratiquement de nulle part) et autre Kuss à franchir un pallier. L’échec des Staune-Mittet, des frères Van Dijck, de Leemrijze et dans une certaine mesure de Per Strand Hagenes, ancien champion du monde juniors qui ne parvient pas à faire décoller sa carrière, sont des exemples frappants qu’il y a peut-être un grain de sable dans l’engrenage. Le cas Brennan, victorieux à 14 reprises cette année est l’exception qui confirme la règle. Son cas relève pratiquement du miracle puisque l’année dernière il était battu sur des courses U23 par des coureurs qui officient toujours dans cette catégorie…
Cette vague de départ suscite donc une interrogation légitime sur les capacités qu’ont les dirigeants actuels de la Visma à garder la structure originelle qui a fait son succès. Le départ de Merijn Zeeman est pour nous l’origine de ce déclin. Véritable chef d’orchestre, Zeeman était plus qu’un simple qu’un simple Directeur Sportif. Contribuant à la reconstruction et aux succès majeurs, comme les victoires dans les trois Grands Tours en 2023. Il gérait la stratégie des courses, le développement des coureurs, l’innovation et l’ensemble des performances, rendant chaque aspect de l’équipe plus efficace.
UIJTDEBROEKS EN AVAIT PLEIN LE DOS
Dès novembre 2024, Cian Uijtdebroeks expliquait à la RTBF que ses symptômes récurrents (douleurs aux jambes, manque de force) étaient dus à un problème au bas du dos avec des nerfs coincés, diagnostiqué après des examens post-Vuelta. Il décrit comment cela a empiré au fil de la saison et qu’il a évité une opération.
Pour autant, l’équipe a mis du temps avant de découvrir la véritable cause de sa pathologie. Ce n’est qu’en août cette année, qu’il confirme au journal Het Nieuwsbald avoir enfin retrouvé de la puissance dans les jambes ! Après un ajustement de position sur le vélo, il confirme en outre ne plus ressentir les tensions nerveuses au niveau du dos et des fessiers qui limitaient sa performance. Résulats ? 9e de la Classica San Sebastian, Victoire d’étape et au général du Tour de l’Ain, 2e du Tour de Tchéquie, et 8e hier au Tour d’Emilie où il a fait forte impression en attaquant à 3 reprises. Au final, il aura fallu attendre 1 an pour que l’équipe comprenne que c’était un problème de position sur le vélo… No comments.
MOVISTAR, L’IMPRÉVU SALVATEUR ? NOS 5 BONNES RAISONS :
Si l’annonce de son transfert en a surpris plus d’un, c’est bien le choix de l’équipe qui a soulevé le plus d’interrogations, même si en réfléchissant bien, ce choix est loin d’être l’hérésie que certains médias ont déjà voulu dénoncer.
1/ Rôle de leader potentiel : Chez Visma-Lease a Bike, Cian Uijtdebroeks avait des opportunités limitées en raison de la concurrence avec de nombreux leaders comme Jonas Vingegaard. Si on lit entre les lignes, on comprend que pour l’année 2026, l’équipe allait encore envoyer Cian dans des tours de seconde zone sans lui donner la possibilité de progresser en World Tour. Une situation intenable alors que ses concurrents dans les catégories juniors ont pris un peu d’avance sur lui de ce point de vue. Quel serait l’intérêt pour Cian de se retrouver encore sur le Sibiu Tour par exemple ? Qui plus est pour jouer un rôle d’équipier comme ce fut le cas en Slovaquie… alors qu’il avait les jambes pour gagner l’étape reine.
2/ Histoire riche en Grands Tours : Movistar a une tradition solide dans les courses par étapes (victoires passées avec Valverde, Quintana), ce qui offre un environnement idéal pour progresser comme coureur GC, avec un soutien expérimenté du staff. Il est évident que Cian a besoin de s’épanouir dans une équipe de grimpeurs créées pour les grimpeurs.
3/ Intégration facilitée : Vivant en Andorre et s’entraînant souvent sur les routes espagnoles, Uijtdebroeks parle déjà un peu espagnol, ce qui favorise une adaptation rapide dans une équipe à l’esprit familial. Sa petite amie, récente championne du Monde chez les élites dames, vit aussi en Espagne. Que demander de plus ?
4/ Contrat long et engagement fort : Avec la signature jusqu’en 2029, l’un des plus longs de l’histoire récente de Movistar, c’est bien le signe d’une confiance mutuelle et d’un projet à long terme pour son développement, sans pression immédiate pour le Tour de France 2026.
5/ Internationalisation de l’équipe : Il est assez clair maintenant que Movistar n’est plus l’équipe choisie en premier par les talents espagnols de demain. La récente signature de Juan Aysuo chez Liddle-Trek confirme ce constat. Même les juniors choisissent dorénavant d’autres équipes du WT. On pense à Fernando Torres, Adria Pericas ou encore Hector Alvarez, 3e des récents championnats d’Europe derrière un certain Jarno Widar. L’équipe doit donc s’ouvrir à d’autres nationalités pour garantir sa survie en World Tour ce qui se confirme avec la signature de Pavel Novak, mais avec quand même une volonté de garder une identité espagnole en recrutant notamment Roger Adria, Raúl García Pierna et Juan Pedro López.
UN BEAU DÉFI A RELEVER
Pour conclure, le transfert de Cian Uijtdebroeks chez Movistar est pour nous avant-tout une opportunité à saisir pour le jeune coureur belge de 22 ans, lui offrant même un rôle de leader en Grands Tours, contrairement à Visma où la concurrence était plus relevée, sans parler de pression imposée par une grande équipe. Malgré quelques incertitudes sur la formation espagnole, notamment de sa stratégie parfois incompréhensible sur certaines grandes épreuves, ce transfert est pour nous une chance de voir Cian relancer sa carrière s’il s’intègre bien, en s’appuyant sur son talent et l’expertise de Movistar en matière de développement et d’encadrement, qui est très sous-estimée selon nous.
