Dans le milieu cycliste, il existe, pour certains d’entre nous, des lieux de légende, des lieux mythiques, voire mystiques. Mais il existe surtout, pour Remco Evenepoel, un endroit maudit : le Tourmalet. Pourtant lieu symbolique du Tour de France — il est le col le plus emprunté par la Grande Boucle depuis sa création —, le géant pyrénéen s’est révélé, pour la deuxième fois, être un monstre presque infranchissable pour notre compatriote.
Petit retour en arrière : en 2023, lors de la Vuelta, maillot de champion de Belgique vissé sur les épaules, notre Remco national avait calé sur les pentes du même Tourmalet, alors qu’il était tenant du titre et l’un des favoris à sa propre succession. Mais là encore, il avait dû laisser ses illusions de victoire finale au terme d’une étape où il perdit plus de 30 minutes sur ses concurrents directs. Néanmoins, il ne s’agissait que d’un « jour sans ». Le temps perdu lui permit ensuite de mener à bien deux opérations commando pour accrocher à son palmarès deux victoires d’étape supplémentaires et le maillot de meilleur grimpeur.
Le Tourmalet 2025 s’est révélé encore plus impitoyable. Nous avons assisté à l’abandon du double champion olympique, à bout de forces. Si l’image est forte pour tout profane, elle l’est davantage pour le fan de la première heure. Entre incompréhension, voire tristesse de voir un champion de sa trempe poser pied à terre, se pose la question du pourquoi et du comment.
La nature du problème ? Nul ne sait vraiment. Le principal intéressé ne se l’explique pas :
« Je n’ai aucune idée de la raison pour laquelle ça ne va pas. On va examiner cela. Tout le monde sait que mon hiver a été horrible, mais qui sait s’il y a autre chose avec mon corps ? Je ne peux pas le dire à l’heure actuelle. »
Une préparation contrariée pour le Tour est peut-être à l’origine de la débâcle d’hier ? :
« Je n’ai pas vraiment pu m’entraîner comme je le souhaitais avant le Tour. Je n’arrivais pas à amener cette intensité […] À côté du vélo, je ne me sens pas mal, mais quand je monte dessus, ça ne va pas. Je ne peux pas pousser autant que je le fais d’habitude.«
Son entraîneur ouvre une autre piste de réflexion :
« D’une manière ou d’une autre, il ne s’est pas bien remis du Dauphiné« , explique Koen Pelgrim. « Il avait des allergies là-bas et nous avons dû ajuster son entraînement par la suite. Un repos supplémentaire était également prévu, ce qui a rendu la préparation de ce Tour plus difficile. En conséquence, il n’atteint pas les valeurs qu’il devrait normalement atteindre à ce stade.«
De notre côté, nous pointons surtout un hiver pourri par son accident et l’énorme effort psychologique qu’il a dû fournir pour se remobiliser totalement en vue de l’échéance juilletitste. Il est à espérer que Remco connaîtra enfin un hiver digne de ce nom, afin de construire le travail de fond dont tout sport d’endurance a besoin — particulièrement en cyclisme, où, sans cette base, il est difficile de performer par la suite.
Quelle fin de saison ?
Et la suite, justement ? On peut se poser la question, à juste titre, de savoir s’il va décider de poursuivre et de se fixer d’autres objectifs, ou d’arrêter simplement l’exercice en cours. Notons que, pour la deuxième partie de saison, deux championnats faisaient partie de ses priorités : ceux d’Europe, en France, et ceux et du Monde, au Rwanda. Difficile de se prononcer à ce stade, tant d’éléments sont à prendre en compte : les raisons psychologiques et physiques de son abandon, un éventuel changement d’équipe, la définition de ses objectifs pour l’année prochaine, etc.
Bref, il est peut-être temps de laisser Evenepoel tranquille, le temps que lui-même et son entourage puissent se poser et décortiquer la situation avant de prendre des décisions. À chaud, nous serions tentés de le revoir sur le vélo le plus tôt possible. Néanmoins, c’est à froid, tête reposée, qu’il pourra se prononcer sur la suite à donner. Et à nous d’accepter, et de continuer à soutenir un coureur qui nous a déjà tant fait vibrer.

Photos : © A.S.O./Billy Ceusters
