Comme relaté dans ma preview, écrite en amont de la course en ligne des Mondiaux hommes, il n’y avait qu’un favori. Et celui-ci a fait valoir son statut : Pogacar est devenu double champion du monde sur un parcours très difficile, peut-être le plus dur de l’histoire. Il est même le premier à réaliser un back-to-back Tour–Championnat du monde en ligne. Bref, pour les profanes qui se contentent du résultat, la logique de la saison est respectée.
Néanmoins, j’avais pointé qu’un seul homme pouvait potentiellement gêner les desseins de l’ogre slovène : Remco Evenepoel ! Malheureusement pour notre compatriote, tout s’est mal passé quand le tenant du titre a déclenché les hostilités à un peu plus de 100 bornes de l’arrivée. À l’approche du Mont Kigali, Remco a pris un trou, créant une défaillance fatale à sa monture dorée, au niveau de la selle. Selon ses dires, cette position inconfortable lui a provoqué des crampes. Deux changements de vélo plus tard, il pointait à 1’40 de l’homme en vert (un extraterrestre ?).
À ce moment-là, je me suis dit : « Ouille, il va perdre ses nerfs et ne pas repartir au combat. » Merci Remco de m’avoir fait mentir. Il est reparti le couteau entre les dents, n’acceptant pas cette situation. Il a fait preuve d’orgueil. Et c’est à souligner. Kigali n’a pas été Liège, et Liège n’a pas été Kigali. Les jambes étaient aussi, et même très certainement, différentes du mois d’avril. En cela, le champion du monde 2022 a mué.
Certes, il reste toujours très nerveux et peut encore faire des erreurs — comme lors du deuxième changement de bicyclette —, mais il n’a pas perdu tous ses moyens face à l’adversité et à la malchance. Il faut dire qu’il était aussi dans une journée exceptionnelle. Revenir comme un avion sur la concurrence, donner des relais d’une puissance hallucinante et enfin lâcher ses deux derniers compagnons dans une bosse avec une certaine explosivité, le tout dans des conditions de chaleur, d’humidité et de qualité de l’air peu enviables, souligne le niveau du futur coureur de Red Bull. Par ailleurs, s’il a montré du caractère pendant la compétition, il a été humble dans les médias en évitant de se mettre trop de pression. Cela aussi, c’est du Remco 2.0.
Alors je comprends sa déception. Mais cette semaine passée en Afrique lui a peut-être fait franchir un cap supplémentaire, à celui qui ramène tout de même au pays une médaille d’or et une d’argent (!). En d’autres termes : s’il est à son top et qu’il ne commet pas d’impair, il n’est pas loin du Slovène qui, il faut le dire, a aussi réussi un nouveau numéro de soliste. Sur une course d’un jour… rien ne dit que Remco ne pourra pas titiller le plus grand de son temps. Imaginez s’il arrive à davantage se canaliser, un peu à l’image d’un Roger Federer en début de carrière. Evenepoel a du talent, mais il n’a, à mon sens, pas encore livré le meilleur de lui-même. Et rien que cette éventualité me fait déjà frissonner…

Photos : UCI