Dans la bouche de plusieurs acteurs de la Petite Reine, les mêmes propos sont revenus ces derniers temps : pourquoi le cyclisme ne deviendrait-il pas payant ? Jérôme Pineau a été le premier à lancer le pavé dans la mare sur RMC. L’ancien coureur de Quick Step, reconverti en consultant, propose de privatiser les cinq derniers kilomètres de l’Alpe d’Huez, où le Tour posera ses valises pour deux jours en juillet prochain.
Pippo Pozzato, organisateur de la Veneto Classic, lui a emboîté le pas. Ce dernier est convaincu qu’il faut passer à ce modèle économique pour continuer à organiser des courses : « Je pense que c’est la seule solution que nous ayons pour survivre à l’avenir. Nous sommes le seul sport qui n’a pas de modèle de billetterie. On ne peut pas toujours compter sur les pouvoirs publics : à l’heure actuelle, les municipalités et les régions ont de plus en plus de mal à financer les événements. Le cyclisme ne peut plus attendre de survivre ainsi. Plus on devient autonome et durable dans notre monde, plus on avance », a-t-il relaté au média SpazioCiclismo.
Notez que le Transalpin est déjà passé à l’action et fait payer les spectateurs un montant de 10 € à l’un des endroits de « sa » course.
Des propos lourds de sens qui ne font évidemment pas l’unanimité. Notamment chez Marc Madiot, qui a réagi à l’idée lancée par l’ancien manager de B&B Hôtels en expliquant que « la gratuité fait la force du vélo ». Interrogé par Ouest-France, David Lappartient, président de l’UCI, s’est montré plus dubitatif quant à l’idée d’entrer dans ce modèle économique :
« Il faut poser un cadre juridique, faire payer l’espace public en France, c’est compliqué. Et puis, je pense que les gens vont vouloir quand même que ça aille au coureur, in fine », explique-t-il. « Ce n’est pas dans le domaine de l’impossible, ce sera quand même une révolution par rapport à ce qu’on a l’habitude d’avoir. Et regardez, quand vous voulez bouger l’âge de la retraite… Alors si vous voulez faire payer le Tour de France, vous n’êtes pas rendu. »
Si je ne reprendrai pas à mon compte l’analogie, quelque peu tangente, du chef de l’UCI, je peux me positionner sur ce qui a déjà été fait chez nous en la matière. Notamment sur certaines flandriennes. Le Tour des Flandres, par exemple, a déjà mis en place un tel système. L’organisateur propose depuis quelques années, à certains endroits stratégiques du Ronde, des places payantes, à divers tarifs. Ceux-ci peuvent monter jusqu’à 500 € pour les VIP. Le parcours a été modifié en 2012 en ce sens : faire passer les coureurs aux « lieux stratégiques » à plusieurs reprises pour proposer un vrai spectacle immersif aux spectateurs qui peuvent se permettre de délier les cordons de la bourse. Ce qui fait évidemment rentrer des deniers dans la poche de l’organisateur.
Alors, bonne ou mauvaise idée de remplir les caisses de la sorte ? La réponse est plutôt nuancée, vous vous en doutez. Deux scénarios se dégagent pour les organisateurs :
Premièrement, faire payer les spectateurs au détriment de la nature profonde du cyclisme, sport gratuit et populaire s’il en est, en changeant les us et coutumes et en modifiant encore une fois le parcours de certaines « classiques » (qui bientôt n’en auront plus que le nom) afin de proposer du spectacle. Personnellement, je regrette l’ancien parcours du Tour des Flandres. C’est, en somme, un basculement économique vers celui déjà proposé par le cyclocross. Mais dans les labourés, vous payez entre 15 et 20 € pour une journée complète d’épreuves.
Deuxièmement, faire changer le fusil d’épaule aux organisateurs en leur ouvrant les yeux sur la possibilité de trouver d’autres ressources financières ailleurs. La première à laquelle je pense, ce sont bien entendu les droits télé. Le cyclisme est l’un des rares sports où cette manne financière n’est pas redistribuée aux protagonistes du milieu. ASO perçoit par exemple l’entièreté des revenus issus de ces droits et réalise de faramineux bénéfices.
Et vous, vers quelle option pencheriez-vous ?
