Le fidèle complice de Steve Chainel et Jérémy Sahakian aux commentaires des cyclo-cross sur Eurosport préface avec nous la saison à venir et se confie sur ses nombreuses attentes qui rejoignent globalement les nôtres. L’occasion était belle également pour nous de s’entretenir avec une des « voix » bien connue maintenant du cyclo-cross français avec qui nous entretenons en outre de très bonnes relations depuis quelques années !
Bonjour Anthony, même s’il y a déjà eu quelques courses, peut-on dire que la saison de cross commence dès demain à Ruddervoorde pour les débuts du Superprestige ?
A : La reprise du Cyclo-cross a été un peu faussée avec les Chalpionnats du Monde de Gravel mais effectivement, Ruddervoorde c’est la véritable reprise avec une belle startlist. J’étais d’ailleurs étonné d’y voir peu de crossmen aux Mondiaux de Gravel, peu de grands noms comme les Vanthourenhout, Van de Putte (pourtant champion de Belgique de la discipline). Ceci-dit, c’était bien de ne pas avoir programmé de Cross ce jour-là.
Tu y as aussi participé il me semble, quel fut ton résultat ?
A : Je me suis en effet qualifié de justesse en Allemagne et honnêtement, je l’ai fait surtout pour me faire plaisir et transformer ça en une belle sortie en famille. Je n’avais pas des objectifs élevés car avec 180 bornes au programme et mon niveau actuel, je ne pouvais pas espérer de grandes choses. Je suis quand même content de terminer à la 112e place. Moi je me lève tous les matins très tôt pour aller bosser donc 25 minutes de retard sur le premier, c’est pas si mal je trouve.

Si je ne me trompe pas, tu es consultant Eurosport depuis la saison 2020-21 pour le cyclo-cross. Comment est née cette collaboration entre un ancien coureur pro et la chaîne Eurosport ?
A : Alors non, pour la petite histoire j’avais déjà commencé à Pontchâteau pour les championnats d’Europe en 2016 ! A l’époque Eurosport n’avait uniquement les droits que pour les Championnats d’Europe. A ce moment-là Steve Chainel commentait déjà des courses sur route, mais le hic c’est que pour cette épreuve il n’aurait pas pu la commenter puisqu’il y participait sur son vélo ! Il lui fallait donc un remplaçant et c’est là qu’il a proposé mon nom à la Direction. C’est donc Steve qui m’a introduit dans la boîte.
De fil en aiguille on a commencé à parler avec Eurosport du bien-fondé de la diffusion du cyclo-cross sur la chaîne. C’est d’ailleurs avec le regretté Guillaume Di Grazia qu’on a pu négocier pour retransmettre de plus en plus de courses. Cette année on va retransmettre jusqu’à 42 courses et évidemment, on est tous ravis de pouvoir les présenter !
Parlons-en de Guillaume Di Grazia, ce fut un choc d’apprendre son décès j’imagine…
A : Ce sont des choses violentes auxquelles on ne s’habitue jamais. Je ne le répéterai jamais assez mais on lui doit énormément à Guillaume pour la diffusion du cyclo-cross sur Eurosport. Il a toujours été à l’écoute de nos désideratas, de nos observations, il était concerné par notre projet. C’était un homme passionné par son métier. Eurosport c’était sa vie. Il avait aussi ce talent de te commenter l’arrivée d’un simple cross comme si c’était l’arrivée d’un championnat du monde !

Photo : © Anthony Colas
Si on fait ton interview aujourd’hui, c’est entre autre parce que vous êtes énormément suivis aussi en Belgique francophone …
A : Oui effectivement, grâce à l’application HBO Max, nous ne sommes plus suivis uniquement en France mais partout ailleurs. A ce propos on est souvent repris par des Belges sur Twitter via le #LesRP concernant la prononciation de vos coureurs. On sait très bien comment on doit prononcer ‘Sweeck’, ‘Toon’ etc… Mais dans le feu de l’action, on ne peut pas s’empêcher de dire « Swick » ou « Toun » lol. Mais globalement les téléspectateurs belges le comprennent et l’ambiance est bon enfant. Petite anecdote, Jente Michels on a massacré son nom au début, on n’arrivait vraiment pas à le prononcer lol !
Les premières courses cette année, même si les startlists n’étaient pas ronflantes, ont montré quelque chose d’assez particulier et en même temps d’excitant : elles ont toutes été disputées jusqu’à l’arrivée, sans vraiment qu’un coureur soit au-dessus du lot. En l’absence de WVA et de Mvdp, voire d’Iserbyt en rééducation, es-tu d’accord avec moi qu’on va assister à de nombreuses courses très ouvertes chez les hommes ?
A: Bien sûr et on en a très envie ! D’ailleurs pour les trois premières courses disputées on a déjà 3 vainqueurs différents ! Sans oublier que la jeune génération des Nys, del Grosso, Verstrynge va tout doucement commencer à contrecarrer les plans des « vieux ». On a déjà pu s’apercevoir que Vanthourehout semblait perdu sans Iserbyt. Aujourd’hui à Essen le dénouement était complètement fou, avec un Sweeck entreprenant comme on l’a rarement vu, le jeune Wout Janssen terminant 4e avec les meilleurs…
Alors oui, on ne va pas se cacher que quand WVA et MVDP sont pas là, la course est parfois rapidement pliée et on s’ennuie quelque peu. Mais si en ce début de saison on a un vainqueur différent à chaque cross, on va se régaler !
Cette semaine dans HLN, l’ancien champion du Monde Bart Wellens a fait une déclaration polémique sur Wout et Mathieu, comme quoi l’UCI ferait le calendrier de la saison sur mesure pour eux, notamment la programmation des coupes du Monde. D’accord avec lui ?
A : Personnellement je trouve qu’il y a trop de manches de coupe du Monde. Ca doit rester quelque chose d’exceptionnel. Par contre, critiquer Wout et Mathieu ce n’est pas vraiment judicieux puisque ce sont eux qui ont mis en lumière la discipline ces dernières années. Certes, on sait tous que Bart Wellens a un certain franc-parler mais soyons honnêtes, si le cyclo-cross devient une discipline olympique un jour, ce sera en grande partie parce que ces deux coureurs l’ont fait connaître au niveau international, donc respect !
Par contre là où je le rejoins c’est au niveau de l’agenda. Il doit effectivement être mieux pensé. Si les manches de coupe du Monde commençaient plus tôt, ce serait plus juste. Car le 23 novembre, date de la première manche, Wout et Mathieu arriveront plus frais que les autres crossmen qui auront déjà à peu près deux mois dans les jambes. Ça fausse donc les différents classements en ne récompensant pas la régularité des autres coureurs.
Demain à Ruddervoorde, Le Superprestige s’ouvre avec un parcours repensé, incluant une section pavée de 165 m. En quoi cela rend-il l’ouverture plus sélective et spectaculaire pour les coureurs ?
A : Honnêtement je pense qu’ils ne vont même pas les sentir… L’intérêt du parcours de Ruddervoorde c’est plutôt ses passages techniques, le bac à sable et les montées. J’ai récemment regardé la course de l’année passée pour me remémorer le parcours et normalement demain, tout est réuni pour y faire une course tactique sympa à suivre.

Est-ce qu’il y a un coureur en particulier que tu as hâte de suivre cette année ?
A : J’attends beaucoup d’Emil Verstrynge. Voir un peu s’il a pris de la caisse après son premier Grand Tour sur Route. Thibau Nys aussi sera à surveiller. J’ai aimé sa déclaration comme quoi il a encore beaucoup à prouver dans les labourées tout en gardant une grosse envie de refaire du Cross. Del Grosso est aussi un coureur pour lequel je prédis un bel avenir.
On a interviewé récemment un jeune coureur wallon, Thomas Pecriaux, qui a l’originalité de faire ses gammes dans un club français frontalier dont il vante les mérites. C’est effectivement incroyable le niveau élevé des jeunes Français, hommes ou femmes, dans les catégories jeunes (Aubin Sparfel, Leo Bisiaux, Celia Gery,…). Pourquoi généralement les jeunes Français ne continuent-ils pas l’aventure chez les professionnels par la suite ?
A : Je vais t’expliquer, c’est simple à comprendre. Ils sont tous attirés aussi par la route. Et une fois qu’ils ont signé un contrat avec une équipe professionnelle, on leur dit que le cyclo-cross n’est pas une bonne préparation pour la saison de route qui arrive juste après. Il y a pourtant de nombreux exemples qui montrent que ce raisonnement ne tient pas, il suffit de regarder Wout et Mathieu.
Regarde aussi Clément Venturini, on lui a dit à une époque que c’était incompatible alors que c’est quand même un coureur qui a été champion du Monde chez les Juniors devant des Sweeck, Vanthourenhout… Les crossmen français une fois chez les pros doivent vraiment se battre pour revenir en hiver dans les labourées.
Steve Chainel avait monté une belle équipe de cross (Ndlr : le Cross Team Legendre), mais quand le sponsor est parti, tout s’est arrêté malheureusement.
Cette année côté français, un coureur comme Soren Bruyère Joumard va normalement faire de très bons résultats. Mais ce qui m’inquiète c’est que son équipe, la même qu’Aubin Sparfel par ailleurs, n’est pas une structure qui laisse ses coureurs aller facilement sur les cross. Ce qui pourrait faire changer la donne, c’est l’annonce de récente de l’UCI qui confirme qu’à partir de 2027, les coureurs d’équipes WorldTour obtiendront des points supplémentaires au classement UCI sur route s’ils concourent dans d’autres disciplines, comme le cyclo-cross, le VTT ou le gravel par exemple. Une mesure salutaire pour plusieurs cyclistes tout terrain du peloton et qui pourrait dès lors inciter des équipes françaises à revoir leur jugement sur le cyclo-cross.
Pour conclure cette interview, on te voit en chair et en os sur des cross en Belgique cette année ?
A : Namur ce sera impossible puisque c’est moi qui serait aux commentaires. Alors pour le reste, ça reste à confirmer mais normalement je serai là à Loenhout, Diegem et Baal !

Outre sur Europsort aux commentaires des courses, vous pouvez retrouver Anthony Colas en compagnie de Jérémy Sahakian et Steve Chainel tous les lundis sur Instagram pour un nouveau podcast 100% consacré au cyclo-cross à l’adresse suivante : https://www.instagram.com/bac_a_sable3/
