Une progression constante, une abnégation qui force le respect, un esprit d’entreprendre parfois seul contre vents et marées… et un maillot de Champion de Belgique ce dimanche à Zolder, c’est l’histoire de Clément Horny qui petit à petit franchit des paliers dans une discipline à 99% portée par les coureurs du Nord du Pays. Une interview était donc inévitable pour vous présenter ce coureur wallon qui commence à faire son trou parmi l’élite du cyclo-cross.
Clément, tout d’abord félicitations pour ce titre de Champion de Belgique de cyclo-cross en catégorie élites 2. Pour les personnes qui ont regardé la course dimanche, tu as terminé à une belle 14e place et tu as longtemps fait partie du groupe de tête jusqu’à deux tours de la fin. Mais il y avait une course dans la course puisque les élites 2 couraient aussi avec les Elites 1 et tu es arrivé le premier de cette catégorie. Peux-tu préciser pour nos lecteurs la différence entre les 2 catégories ?
Clément Horny : Oui bien sûr ! C’est très simple en fait, les Elites 2 dont je fais partie n’ont pas contrat professionnel qui les lie avec une équipe. Nous ne recevons donc pas de salaire comme les Elites 1. Ce qui ne m’empêche pas de pouvoir me présenter sur toutes les courses UCI avec les pros. L’inverse n’est pas valable par exemple, les pros ne peuvent pas se présenter sur des courses pour amateurs.
Sur base de tes résultats actuels, ton objectif est certainement de décrocher un contrat chez les pros. A ce propos on t’a vu faire la reconnaissance du circuit de Zolder ce dimanche avec l’équipe Charles-Liégeois. Des rumeurs t’envoient aussi chez Ridley…
C. H. : Oui ! Mon objectif est effectivement de passer le cap et de devenir professionel et honnêtement peu importe l’équipe ! Maintenant, je dois avouer que le projet de Charles-Liégeois aurait sans doute ma préférence. C’est un projet wallon et l’équipe est liée avec la Ville de Binche chère à mon coeur.
Et si les frères Roodhooft viennent frapper à ta porte ? Marion Norbert-Riberolle semble s’y épanouir par exemple…
C. H. : Ah oui ! Ce serait la cerise sur le gâteau ! Et ce serait impossible de refuser une telle offre ! Je ne ferme aucune porte car le but reste bien sûr d’obtenir un contrat !
Peut-être vont-ils t’appeler s’ils lisent la présente interview et qu’ils apprécient ta réponse…
C.H. : Peut-être ! *rires*

Quel serait le principal avantage au niveau sportif de signer dans une équipe professionnelle si l’on compare avec ta situation actuelle ?
C.H. : Mon équipe actuelle (BH Wallonie MTB TEAM) est une équipe de développement avec des moyens très limités. Pour info, c’est une équipe qui est destinée à la base au VTT avec des fonds qui proviennent de l’ADEPS. Et ils ne sont pas désireux de consacrer un budget plus important parce qu’ils partent du principe que le cyclo-cross n’est pas (encore) une discipline olympique. Et pourtant avec ce budget moindre, on parvient quand même à montrer de belles choses, il ne faut pas l’oublier.
Alors, pour revenir à ta question concernant l’avantage principal, ce serait l’amélioration de petites choses comme par exemple la préparation des vélos. L’équipe ne s’en occupe pas comme chez les pros où il y a un staff prévu à cet effet. Ici c’est moi qui prépare mes vélos avant les courses …
Pour tout ce qui concerne la nutrition et les compléments alimentaires, c’est sans doute aussi toi qui fait tes propres choix ?
C.H. : Oui effectivement. Alors j’ai un diététicien personnel mais c’est à mes frais et c’est un budget conséquent. Dans une équipe pro il y en plus un aspect scientifique qui fait toute la différence. J’ajouterais aussi que nos partenaires, nos sponsors n’interviennent pas financièrement dans le budget total. Par contre ils nous fournissent en matériel mais néanmoins il m’arrive de mettre moi-même la main au portefeuille. Encore un autre exemple que je peux te donner c’est que les composants techniques pour équiper les vélos seraient fournis entièrement par l’équipe. Ici j’en ai eu pour 500 euros récemment…
On t’a longtemps vu faire la course en tête avec les meilleurs crosseurs de Belgique (Vantourenhout, Nys, Sweeck…) jusqu’aux deux derniers tours. Finalement il ne t’a pas manqué grand chose pour jouer le final avec eux…
C.H. : En fait Anton Ferdinande qui était derrière moi m’a tassé contre une barrière. Je lui ai d’ailleurs dit ma façon de penser ! Honnêtement le Top 10 était largement à ma portée mais il fallait aussi que je n’explose pas. Gérer ma première place en tant qu’Elites 2 était plus important qu’un top 10 à mes yeux. Concernant mon niveau, j’ai eu une discussion après la course avec mon entraineur (Ndlr : Pieter Timmermans, ancien coach de Stybar notamment) et je pourrais clairement intégrer plus régulièrement le top 10 des courses les plus prestigieuses du circuit si j’évoluais dans une équipe professionnelle. Ce dont nous sommes certains tous les 2 c’est que ma marge de progression est loin d’avoir atteint sa limite.

Un autre jeune coureur wallon pointe le bout de son nez, il s’agit d’Antoine Jamin qui a terminé 4e chez les Espoirs, devant des coureurs qui ont déjà un palmarès assez impressionnant chez les jeunes. Est-ce le signe que le Cross Wallon est sur la bonne voie ou bien vous êtes des exceptions ?
C.H. : Alors non, je ne dirais pas que nous sommes des exceptions, par contre nous sommes plutôt des précurseurs car on met vraiment toutes les chances de notre côté pour devenir professionnels dans un environnement où rien n’est balisé quand tu es wallon. Antoine m’a effectivement suivi dans ce projet et mon expérience lui permet d’ailleurs de ne pas tomber dans les mêmes pièges auxquels j’ai été confrontés. Alors si on décroche un contrat pro, notre réussite pourrait sans aucun doute motiver des jeunes Wallons à marcher sur nos pas. Aujourd’hui je pense notamment à un jeune talentueux qui commence à faire parler de lui, il s’agit de Thomas Pécriaux.
Il y a quand une petite ombre au tableau, cette non-sélection pour la future manche de coupe du monde…
C.H. : Ah oui, je suis vraiment déçu de ne pas y figurer. Si tu regardes de près la sélection, tu remarques que des gars comme Toon Vandebosche et Witse Meeussen sont sélectionnés alors qu’ils sont à plus d’une minute derrière moi aux championnats de Belgique. Intégrer une équipe pro me permettrait d’élever mon niveau et donc de d’y figurer à l’avenir.
Sur quel type de parcours tu te sens pousser des ailes ?
C.H. : Clairement les parcours rapides et techniques. Mais curieusement cette année j’ai vraiment éprouvé beaucoup de plaisir à courir sur les parcours ensablés. J’ai adoré faire Mol et Coxyde !
On remarque avec les années que les coureurs de cyclo-cross qui s’autorisaient aussi un programme sur route durant l’autre partie de la saison élevaient leur niveau. Risque-t-on de voir Clément Horny sur route ?
C.H. : Le fait d’intégrer une équipe pro comme Charles-Liégeois par exemple, me permettrait d’intégrer l’effectif d’Intermarché-Wanty pour l’autre partie de la saison (Ndlr : Comme Gerben Kuypers par exemple) et je suis convaincu que la route m’apporterait plus de force et de puissance dans les bourbiers, ou encore plus de vitesse comme à Zolder par exemple. Concernant la technique, c’est plutôt la pratique du VTT qui m’apporte cette facette incontournable du cycliste moderne. A ce propos, j’ai déjà reçu des compliments du Suisse Nino Schurter concernant mes qualités techniques. Venant de la part de cette légende du VTT (Champion Olympique en 2016 et 10x Champion du Monde !), ça m’a beaucoup touché et ça donne forcément confiance !

De notre côté on a eu vent d’un test à l’effort plutôt prometteur te concernant…
C.H. : Oui je confirme que c’est bien le cas. Les test concernant ma VO2max ont été forts concluants et j’aimerais forcément voir jusqu’où je peux aller avec de tels résultats.
(Ndlr : nous avons pris connaissance des chiffres que nous ne communiquerons pas par respect pour le coureur, mais nous pouvons vous confirmer qu’ils sont pour le moins inattendus et in fine très prometteurs. Pour rappel, l’intérêt de déterminer sa VO2max est un moyen de mesurer ses performances ‘potentielles’. Un test de VO2max est utile pour savoir si l’on peut atteindre des objectifs donnés comme par exemple atteindre un niveau régional ou national dans le sport pratiqué.)
C’est l’occasion peut-être de parler de quel style de coureur sur route Clément Horny est-il quand il quitte les labourées pour les ‘magnifiques’ routes belges ?
C.H. : Je ne dispose que d’une petite expérience dans l’équipe développement de Bingoal et tout reste à découvrir, mais j’ai quand même une petite préférence pour les monts flandriens !
Est-ce qu’il y a des coureurs avec qui tu t’entends particulièrement bien dans le peloton élites du Cyclo-Cross ?
C.H. : Je m’entends très bien avec Eli Iserbyt ! Ca va plus loin que partager des banalités de temps en temps, au fil du temps c’est même devenu un véritable ami ! Il a une image dans les médias qui ne collent pas avec le Eli que je connais. C’est une très belle personne, très sympa, qui un jour m’a même dépanné avant le départ d’une course en me donnant des pneus neufs. Ils nous arrivent encore bien de se faire de longues sorties vélo ensemble. Dans le même ordre d’idée, Thibau Nys est quelqu’un de tout à fait charmant, très humble. Daan Soete également.
Tu communiques avec eux en français ?
C.H. : Oui, mais je dois dire que Thibau par exemple parle très bien français même s’il pense le contraire. Si je pouvais parler néerlandais comme lui parle français ! *rires*
Avant de conclure cette interview, quel est le coureur qui t’a donné envie de faire du cyclo-cross ?
C.H. : Tout simplement mon entraineur qui m’a donné cette envie, cette motivation. Mais s’il faut citer un coureur, je citerais Patrick Gaudy qui était un exemple pour les coureurs de cyclo-cross wallons (Ndlr : Patrick Gaudy, membre de l’équipe continentale Veranclassic-Ekoï, était un des rares coureurs wallons engagés en cyclo-cross. Il est décédé en 2015 à l’âge de 38 ans).

Photo d’illustration : © Golazo
(Interview réalisée par Olivier Gilis)