UN EDITO POLITIQUEMENT INCORRECT… QUI NE DEVRAIT JAMAIS L’ETRE !
Ces derniers jours, Eli Iserbyt, l’un des cyclocrossmen les plus talentueux de sa génération, a été injustement attaqué sur les réseaux sociaux pour sa réaction suite à un accrochage avec Ryan Kamp. Nombreux sont ceux qui se sont empressés de juger Iserbyt sur la base de quelques images, sans comprendre les subtilités de la situation et, surtout, le comportement antérieur de Ryan Kamp qui a visiblement provoqué cette altercation.
Cet édito n’a pas pour but d’innocenter Eli Iserbyt, qui a commis une erreur et qui méritait totalement son déclassement, mais il est d’abord crucial de rappeler que l’intensité et la pression au sein du cyclocross, comme dans tout sport de haut niveau, peuvent parfois exacerber les tensions entre athlètes.
Il n’est pas rare que ces moments de tension révèlent les frustrations accumulées, surtout lorsque certains coureurs, comme Ryan Kamp, adoptent des comportements provocateurs sur le terrain et ce, depuis que le coureur hollandais n’ait pas été reconduit par son ancienne équipe, la Pauwels Sauzen – Bingoal Cycling Team.
L’an dernier, à Middelkerke, c’est Michael Vanthourenhout qui avait fait les frais des sautes d’humeur de Kamp. Cet épisode avait déjà montré que le coureur néerlandais, en dépit de son talent, a parfois du mal à gérer ses émotions et son attitude envers ses anciens collègues.
Sans oublier qu’il est aussi impliqué dans une chute avec Wout van Aert l’année passée. Il est donc surprenant que beaucoup de critiques se concentrent uniquement sur la réaction d’Iserbyt, ignorant le fait que Kamp semble avoir une responsabilité non négligeable dans cette altercation.
Selon des témoignages et des observateurs proches des événements, et du coureur de la Pauwels lui-même, Kamp l’aurait d’abord insulté pendant la course, cherchant visiblement à provoquer une réaction.
En revoyant les images de la fameuse chute, il est évident que tout le corps du coureur néerlandais penche à un moment du côté d’Iserbyt et que même son bras gauche passe au-dessus du guidon du Champion de Belgique, le poussant (volontairement ?) dans les cordes. En heurtant un poteau lors de sa chute, on peut même estimer que le Champion de Belgique s’en sorte bien !
Les réactions sur les réseaux sociaux montrent à quel point il est facile de tomber dans le piège des jugements rapides, souvent alimentés par des images sorties de leur contexte. Pourtant, ces vidéos ne racontent qu’une partie de l’histoire.
Dieu sait si on apprécié énormément Bart Wellens, mais il nous a étonnement surpris avec ses propos : il a demandé une peine plus lourde pour Iserbyt alors que ce même Wellens a, au cours de sa carrière, joué au Karaté Kid avec un spectateur lors d’un cross à Overijse (et ce spectateur l’avait bien cherché ceci-dit ).
Pour rappel, aucun des analystes qui critiquent aujourd’hui Iserbyt et qui demandent des sanctions lourdes n’ont eu la même attitude lorsque Mathieu Van der Poel a lui aussi perdu son sang froid en crachant sur des spectateurs qui le malmenaient la saison dernière lors du cross à Hulst.
Critiquer Iserbyt pour une réaction à chaud sans tenir compte de l’attitude de Kamp, c’est faire preuve d’un manque de discernement. Iserbyt est un athlète passionné, dévoué à son sport, et qui, comme tout être humain, a ses limites face aux provocations. De plus, dans un sport aussi exigeant que le cyclocross, où la moindre erreur peut coûter cher, les émotions sont souvent à fleur de peau.
UNE RESPONSABILITÉ PARTAGÉE
En fin de compte, les critiques à l’égard d’Eli Iserbyt manquent de nuance. Juger un athlète uniquement sur une réaction isolée, sans prendre en compte les provocations qui l’ont précédée, revient à ignorer une partie cruciale de l’histoire. Ryan Kamp, de son côté, devrait aussi être tenu responsable de ses actions et de son comportement sur le terrain, qui, rappelons-le, ne sont pas exempts de reproches.
En outre il y a manifestement une animosité mal placée envers Iserbyt, et ce, depuis plusieurs années. C’est un coureur qui est souvent moqué dans les tranchées pour sa petite taille et qui reçoit énormément de colibets comme ce fut le cas à Overijse l’année passée. Pourtant, c’est un coureur toujours très disponible et toujours aimable envers les gens qui lui demandent des autographes et qui ne refusent jamais un selfie pour un enfant comme on a souvent pu le constater lors de différents cross.
UNE CULTURE DE L’INSTANT PROBLEMATIQUE
En conclusion, il est frappant de constater à quel point, à l’ère des réseaux sociaux, la critique se fait facile et immédiate. Nous vivons dans une culture de l’instant, où les réactions impulsives priment souvent sur la réflexion. Quelques secondes d’images circulant sur les réseaux suffisent pour qu’une vague d’indignation se répande, souvent déconnectée des faits réels. Ce phénomène est alimenté par le besoin constant de commenter et de juger rapidement, sans prendre le temps de comprendre les enjeux et les contextes.
Dans le cas d’Eli Iserbyt et Ryan Kamp, cette dynamique se manifeste pleinement. Alors que le petit Eli, dans une position semblable à celle de David face à Goliath, est pointé du doigt, c’est Kamp qui semble échapper aux critiques malgré un comportement provocateur récurrent. Nous sommes dans un monde où les rôles semblent inversés, où la victime se voit accuser et où celui qui provoque est presque adulé, simplement parce que les réseaux sociaux déforment la réalité à travers le prisme de la viralité et du sensationnalisme.
Cette inversion des valeurs témoigne d’une époque où s’indigner est plus facile que de réfléchir, et où les nuances disparaissent au profit des jugements simplistes. Il est essentiel de revenir à une analyse plus posée, plus juste, et de ne pas se laisser emporter par les émotions instantanées que les réseaux sociaux amplifient sans cesse. Si nous voulons un débat constructif et une véritable compréhension des événements, il faut réapprendre à prendre le temps de réfléchir avant de juger.
(Olivier Gilis)