La Vuelta s’est terminée et la Lotto Destny s’apprête à saluer deux de ses plus grands serviteurs, Victor Campenaerts et Thomas de Gendt. Si le premier continuera sa carrière chez Visma Lease-a-Bike, Thomas de Gendt, 37 ans, pendra son vélo au clou en fin de saison et vient donc de terminer son 25e grand tour !
La carrière d’un coureur cycliste se mesure bien souvent en victoires, en maillots distinctifs, en classements généraux. Mais pour Thomas De Gendt, qui annonce sa retraite cette année, l’histoire est différente. Plus qu’un simple palmarès, De Gendt a incarné une vision du cyclisme, celle du baroudeur intrépide, toujours prêt à tenter l’impossible. Membre de l’équipe Lotto, il laisse derrière lui des souvenirs inoubliables, une multitude d’échappées et une personnalité singulière, à la fois sur la route et sur Twitter.
Le baroudeur, l’artiste de l’échappée
Thomas De Gendt, c’est avant tout un maître de l’échappée. Pendant des années, il a cumulé des milliers de kilomètres en tête de course, menant des offensives héroïques, souvent en solitaire, contre des pelotons déterminés à le rattraper. Peu importe si la victoire était incertaine, c’est dans l’effort, la persévérance et la lutte que De Gendt brillait.
Il aura donc passé une grande partie de sa carrière en baroudeur, préférant les parties de cache-cache et de course-poursuite avec le peloton, levant in fine les bras à 17 reprises. Petit nombre certes, mais le natif de Sint-Niklaas a clairement privilégié la qualité à la quantité avec près de 90% de ses succès sur le World Tour.
Victoires de légende : Saint-Étienne et le Stelvio
Comment évoquer la carrière de Thomas De Gendt sans se souvenir de ses victoires marquantes ? Celle de Saint-Étienne lors de la 8e étape du Tour de France 2019 restera gravée dans les mémoires, où il a résisté à tous les assauts pour s’imposer en solitaire, dans un exploit qui résume si bien sa carrière : une Victoire »signature » où il est parti (comme d’habitude) au km 0 en compagnie d’un trio formé par Terpstra, King et De Marchi. Dans un final palpitant où il se débarassera de ses compagnons d’échappée, on retiendra également les derniers kilomètres d’anthologie où il résistera au retour de Julian Alaphilippe et de Thibaut Pinot eux aussi au sommet de leur art. Son secret lors de cette victoire au mental ? Son mantra habituel qu’il n’a eu cesse de répéter tout au long de son exploit : ‘Se donner à fond toute la journée’
Mais il y a aussi celle mythique du Stelvio en 2012, lors du Giro d’Italia. Gravir ce col monstrueux et remporter l’étape reste l’un des plus grands moments de sa carrière. Ce jour-là, non seulement il a gagné l’étape reine, mais il a aussi signé une performance historique qui lui a offert une place sur le podium final du Giro, une réalisation que peu auraient pu prédire.
Le Mont Ventoux et le goût de l’effort
De Gendt, c’est aussi un homme qui a affronté les géants du cyclisme. Sur les pentes du Mont Ventoux, jusqu’au Chalet Reynard, il a de nouveau montré que son terrain de jeu favori n’était autre que les montagnes les plus redoutables. Toujours à l’avant, toujours là pour surprendre les plus grands grimpeurs. Ses exploits ne sont pas seulement ceux d’un homme cherchant la victoire, mais d’un coureur déterminé à transformer la douleur en grandeur. Cette victoire au sommet du Ventoux sur la 12e étape du Tour de France 2016 restera parmi ses plus beaux exploits.
Les Grands Tours et le Tour de Catalogne
Thomas De Gendt fait partie de ce cercle restreint de coureurs ayant remporté des étapes sur les trois Grands Tours : le Tour de France, le Giro d’Italia et la Vuelta a España. Cela témoigne de son incroyable polyvalence et de son endurance sur les épreuves les plus difficiles. Mais au-delà des Grands Tours, il a également forgé son histoire sur des courses d’une importance moindre en termes de prestige, mais tout aussi exigeantes en termes de performance, comme le Tour de Catalogne, où ses exploits épiques lui ont permis de s’imposer à plusieurs reprises.
L’humour et les Tweets
En dehors des routes, De Gendt est aussi connu pour son sens de l’humour et ses tweets moqueurs. Sur Twitter, il n’a jamais hésité à prendre du recul sur son propre sport, à lancer des piques gentilles à ses adversaires ou à tourner en dérision des situations de course. Cet humour décontracté a fait de lui l’un des coureurs les plus appréciés du peloton. Toujours prêt à rire de lui-même et à relativiser, il a donné un visage humain à un sport souvent perçu comme rude et implacable.
La complicité avec Tim Wellens
Impossible de parler de Thomas De Gendt sans évoquer son complice de toujours, Tim Wellens. Les deux Belges de Lotto-Soudal partageaient bien plus qu’un maillot, ils partageaient un véritable esprit de camaraderie et d’aventure. Leur complicité transcendait le cyclisme, et leur amitié s’est forgée au fil des courses et des kilomètres parcourus, en témoigne leur décision de rentrer en Belgique à vélo après le Tour de Lombardie en 2019. Un parcours insolite de plus de 1 000 km à travers l’Europe, qu’ils ont raconté jour après jour sur leurs réseaux sociaux respectifs.
Tandis que d’autres savouraient un repos bien mérité après des semaines d’effort intense, lui, choisissait de prolonger le plaisir en rentrant sur sa monture, comme pour rappeler que le vélo n’était pas seulement un travail, mais bien une passion sans fin.
Un coureur à part
En prenant sa retraite, Thomas De Gendt laisse un vide dans le peloton, mais son héritage perdurera. Il incarne une manière de courir que l’on voit de moins en moins, où la prise de risque et l’audace priment sur la prudence et la calculatrice. Ses kilomètres en tête, ses échappées solitaires, ses victoires glorieuses et son humour resteront gravés dans l’histoire du cyclisme.
Loin de l’idée de collectionner les victoires, De Gendt a toujours privilégié l’aventure et le panache. Il nous rappelle que le cyclisme, ce n’est pas seulement une question de classement, mais aussi d’émotion et de combat. Merci, Thomas, pour ces moments de pur cyclisme et pour nous avoir montré que le plus important, ce n’est pas toujours de gagner, mais de le faire avec style.
C’est un véritable romantique du vélo à l’ancienne qui quitte le peloton professionnel, en ayant fait l’unanimité dans le peloton mais aussi parmi les nombreux suiveurs : sa personnalité atypique, sans langue de bois concernant les enjeux et problématiques du cyclisme ainsi que son élégance naturelle sur le vélo vont manquer indubitablement dans le paysage cycliste.
MERCI POUR TOUT ‘MONSIEUR’ THOMAS DE GENDT !
Principales victoires en carrière :
- Étapes sur les trois Grands Tours :
- Tour de France :
- 12e étape, Chalet Reynard (2016)
- 9e étape, Saint-Étienne (2019)
- Giro d’Italia :
- 20e étape, Stelvio (2012)
- 8e étape (2022)
- Vuelta a España :
- 19e étape, Gijón (2017)
- Tour de France :
- Podium sur un Grand Tour :
- 3e du classement général du Giro d’Italia (2012)
- Autres victoires marquantes :
- Tour de Catalogne :
- Vainqueur d’étape (2013, 2016, 2018)
- Classement général de la montagne (2011, 2012)
- Paris-Nice :
- 1ère étape (2011)
- 7e étape (2012)
- Tour de Suisse : Vainqueur de la 7e étape (2011)
- Critérium du Dauphiné : Vainqueur de la 1ère étape (2017)
- Tour de Catalogne :
Ce palmarès non-exhaustif met en lumière la carrière singulière de Thomas De Gendt, marquée par son rôle de baroudeur et ses exploits spectaculaires dans les échappées et sur des terrains exigeants.
(Article écrit conjointement par Olivier Gilis et Randolph Kapenda L.)
Photos : Nancy Badoux (https://nancybadoux.com/)