S’il est une terre de cyclisme qui a connu de grands champions, la Belgique compte parmi les plus grandes. Si notre plat pays n’a pas à rougir de son palmarès dans les Grands Tours, pour ce qui est des Classiques, les plus grandes courses d’un jour, celles qui raccourcissent les dimanche après-midi, ou les prolongent tard dans la nuit les jours de victoire, elle figure au rang incontestable de numéro 1.
On a entendu, plusieurs fois répétés, ces noms et prénoms rassurants quand il s’agit d’évoquer les palmarès et de meubler un dimanche devant la télévision. S’il est un nom que Rodrigo Beenkens a dû citer plus que beaucoup d’autres c’est sûrement celui de Rik Van Looy.
Surnommé le « Roi des Classiques », il était et restera pour l’éternité l’une des figures emblématiques du cyclisme belge et mondial. Celui qu’on surnommait également l’Empereur d’Herentals nous a quitté cette nuit à l’âge de 90 ans. Il laissera derrière lui l’image d’un immense champion, l’un des plus grand coureur de classiques de tous les temps.
ENFANCE ET DÉCOUVERTE DU CYCLISME
Né le 20 décembre 1933 à Grobbendonk, en Belgique, Rik Van Looy grandit dans une région où le cyclisme est plus qu’un sport, c’est une véritable culture. Dès son plus jeune âge, il est captivé par les exploits des champions belges qui dominent les courses européennes. Inspiré par ces héros locaux, le jeune Rik s’initie au vélo, d’abord comme un loisir, avant de le considérer comme une vocation.
Il participe à ses premières courses locales dans les années 1940, montrant rapidement un flair naturel pour la compétition. Ses victoires lors des courses de village et des critériums régionaux attirent l’attention des connaisseurs, qui voient en lui un talent brut.
PREMIERS PAS CHEZ LES AMATEURS
Van Looy entame sa carrière amateur dans les années 1950, période où il commence à affiner ses compétences et à se forger un nom. Ses qualités physiques, notamment sa puissance et son endurance, sont évidentes dès ses premières compétitions. Mais ce qui le distingue véritablement est son esprit combatif et son instinct de coureur.
En 1952, à seulement 19 ans, il remporte une série de victoires impressionnantes dans les compétitions amateurs belges. Ces succès lui permettent de se qualifier pour les championnats internationaux, où il fait forte impression. En 1953, il remporte la course sur route aux Championnats du Monde amateurs, confirmant son statut d’étoile montante. Ce triomphe marque un tournant dans sa carrière et lui ouvre les portes du cyclisme professionnel où il se classera la même année 7e de Paris-Tours !
Après son titre mondial, Rik Van Looy passe professionnel en 1954. Sa transition est rapide et efficace, grâce à son expérience acquise dans les courses amateurs et à sa détermination sans faille. Dès ses premières saisons, il se montre à la hauteur des attentes, remportant des victoires dans des courses prestigieuses et se classant parmi les meilleurs coureurs de sa génération.
LA LÉGENDE DES 5 MONUMENTS
Sous la houlette de Guillaume Driessens, avec l’aide de sa célèbre »garde rouge », armé d’un talent et d’une puissance hors norme et d’une excellente pointe de vitesse (avantage peu utilisé), il domine ces grandes courses internationales durant plus d’une décennie.
Dans l’histoire du cyclisme, seuls trois coureurs ont réussi l’exploit extraordinaire de remporter les cinq monuments cyclistes : Milan-San Remo, le Tour des Flandres, Paris-Roubaix, Liège-Bastogne-Liège, et le Tour de Lombardie. Ces monuments représentent le sommet de la discipline, chacun exigeant des qualités uniques et une polyvalence exceptionnelle. Ces légendes toutes 3 venues de Belgique sont Rik Van Looy, Eddy Merckx, et Roger De Vlaeminck.
Rik Van Looy est donc le premier coureur de l’histoire à remporter les cinq monuments cyclistes. Il est également le premier coureur « complet » à avoir maîtrisé tous les types de terrains des classiques. Il a par la suite inspiré une génération entière de cyclistes en prouvant qu’un sprinteur/rouleur pouvait aussi s’imposer dans des classiques montagneuses ou exigeantes sur pavés. Voici ses victoires historiques dans les monuments :
- Milan-San Remo (1958)
- Tour des Flandres (1959, 1962)
- Paris-Roubaix (1961, 1962, 1965)
- Liège-Bastogne-Liège (1961)
- Tour de Lombardie (1959)
LE ROI DES CLASSIQUES
Outre son surnom d’Empereur, il avait également le titre de Roi, plus particulièrement celui de « Roi des Classiques » car en plus des monuments, Rik Van Looy a également gagné toutes les classiques de premier plan de l’époque qui en comptait 9 (dont les 5 monuments) : Gand-Wevelgem (1956, 1957, 1962), Paris-Tours (1959, 1967), la Flèche Wallonne (1968), Paris-Bruxelles (1956, 1958),… mais aussi une multitude semi-classiques comme la Copa Bernocchi, Scheldeprijs, Schaal Sels, La Flèche enghiennoise, Omloop van de Fruitstreek, etc…
Il totalisera un total de 16 victoires sur les classiques, un record pour l’époque. Il remporta sa première classique, Paris – Bruxelles en 1956 à l’âge de 23 ans et la dernière classique manquante à son palmarès, la Flèche Wallonne, treize ans plus tard à l’âge de 35 ans en 1968. Eddy Merck accrochera ensuite 35 classiques à son palmarès, mais ne pourra jamais lever les bras sur Paris-Tours, raison pour laquelle on disait de Van Looy qu’il était le seul à avoir enlevé toutes les classiques. Bien que certains on déclaré le contraire, il faut bien sûr se remettre dans le contexte de l’époque où certaines « classiques » d’aujourd’hui étaient bien moins prestigieuses ou apparues après son époque comme l’Amstel Gold Race, créée en 1966 alors que sa carrière approchait de la fin.
En tout, Van Looy s’est forgé un palmarès unique, totalisant 371 succès entre 1953 et 1968, date de son unique victoire sur la Flèche Wallonne (seule grande classique de l’époque qu’il n’avait pas encore accrochée) sans oublier ses 111 succès dans les catégories inférieures.
RIK VANLOOY ET LE TOUR DE FRANCE
Ses carences contre-la-montre et en montagne l’ont empêché de briguer les classements généraux sur trois semaines. Il n’a découvert le Tour que tardivement, ne se classant que dixième comme meilleur résultat et n’a pas conséquent jamais véritablement joué le classement général. Son focus principal était les classiques et les étapes sur les Grands Tours, où il excellait. Cependant, son palmarès dans le Tour de France n’est pas négligeable, car il a remporté plusieurs étapes (7 au total) et laissé son empreinte comme coureur rapide et polyvalent en remportant le maillot vert en 1963.
Il remportera également 12 victoires d’étape sur le Giro et 18 victoires d’étapes sur la Vuelta avec au passage deux maillots à points sur ce dernier.
DOUBLE CHAMPION DU MONDE
Rik Van Looy, vainqueur à deux reprises du maillot arc-en-ciel a souvent exprimé une grande fierté concernant ces deux victoires. Dans des interviews ultérieures, il a déclaré notamment :
- Sur le premier titre (1960) :
« C’était une victoire pour toute la Belgique. Nous avions une équipe forte et une stratégie parfaite. Lorsque j’ai franchi la ligne, j’ai ressenti un mélange de joie et de soulagement, car c’était un rêve que je poursuivais depuis des années. » - Sur le deuxième titre (1961) :
« Gagner une fois est une chose, mais défendre son titre est encore plus difficile. Tout le monde attendait que je gagne, et je devais montrer que j’en étais capable. Cette victoire est peut-être celle qui me rend le plus fier, car elle prouve ma constance au sommet. »
Au Championnat du Monde de 1963 à Ronse, alors que la course se déroulait en Belgique, Van Looy était le favori et visait un 3e titre consécutif qui le ferait encore plus entrer dans l’histoire. Cependant, dans le sprint final, son coéquipier Benoni Beheyt le devança après un contact controversé, remportant ainsi le titre suprême. Cet incident, surnommé la « Trahison de Ronse », provoqua une controverse durable dans le microcosme du cyclisme belge de l’époque.
CARRIÈRE SUR PISTE
En plus de ses succès sur route, Van Looy excella sur piste, remportant 12 fois les Six Jours entre 1957 et 1968, dont neuf en duo avec le Néerlandais Peter Post. ll a en outre gagné le championnat de Belgique de l’Américaine (1969) associé au légendaire Patrick Sercu. Au total, l’Anversois se sera imposé dans 45 courses.
Cette polyvalence témoigne de son talent et de sa capacité à s’adapter à différentes disciplines du cyclisme.
PLUIE D’HOMMAGES DU MONDE CYCLISTE
Sa disparition suscite une vive émotion en Belgique et dans le monde du cyclisme. Des hommages ont été rendus par des organisations telles que le ASO / Tour de France, Flanders Classics, et Paris-Roubaix. Eddy Merckx, autre légende du cyclisme belge, a déclaré : ‘La mort de Rik est très triste. C’était un grand champion et un fabuleux rival.’
Même son de cloche pour Roger de Vlaeminck dans les colonnes de la Gazet Van Antwerpen : ‘Ça fait mal de devoir lui dire adieu. C’était un très grand coureur et surtout une icône du cyclisme. Avec mon père, j’allais, en tant que jeune ‘manneke’, regarder les courses de Rik Van Looy dans le quartier. J’étais un de ses supporters. Ce sentiment d’antan ressurgit aujourd’hui et j’en ai des frissons. C’était une grande figure, que l’on admirait en tant que jeune coureur. Cet homme avait déjà un palmarès impressionnant à l’époque. Je me tenais parfois à côté de lui au départ, c’était mon idole. Nous perdons un autre visage du cyclisme, mais c’est la vie.‘
Rik Van Looy laisse derrière lui un héritage indélébile dans l’histoire du cyclisme, symbolisant l’excellence et la passion du sport en Belgique.
(Article rédigé par Olivier Gilis et Randolph Kapenda L.)