Avant toutes choses, il est vraiment nécessaire de rappeler qu’il s’agit ici d’un cas de dopage peu conventionnel et avec lequel il faut vraiment prendre ses précautions avant d’affirmer quoi que ce soit. Ce jeudi, c’est un Toon Aerts en pleurs qui annonce en conférence de presse la décision de l’UCI de le suspendre pour deux ans alors qu’il clame toujours haut et fort son innocence. En janvier dernier, des traces de « létrozole », un produit interdit, avaient été trouvées dans un échantillon d’urine prélevé chez le coureur lors d’un contrôle hors compétition. Le « létrozole » est à la base un médicament utilisé en oncologie pour lutter contre le cancer du sein. Par contre, dans les années 90, il a régulièrement été utilisé comme produit dopant, notamment pour son action sur la production de testostérone.
UNE DOSE INFINIMENT RIDICULE
Le hic dans cette histoire c’est bien sûr la dose infiniment basse trouvée dans l’échantillon à savoir seulement 2.4 nanogrammes par milllilitres de sang. A titre informatif, 1 nanogramme équivaut à 0,0000000001 gramme. Le coureur de son côté clame son innocence et dit ne pas avoir pris le produit intentionnellement… et l’UCI abonderait dans ce sens également, raison pour laquelle la suspension ne serait ‘que’ de deux ans et non de quatre, comme dans le cas d’un usage intentionnel. Alors pourquoi ne pas innocenter le coureur ?
LE COUREUR EST RESPONSABLE DE SON CORPS
Un complément alimentaire contaminé serait sans doute la piste la plus crédible. Cependant, la défense du complément alimentaire contaminé ‘’à son insu’’ (aucune mention en toutes lettres du dopant incriminé dans la composition figurant sur l’emballage) n’est plus recevable depuis longtemps puisque dans le Code mondial antidopage, le sportif est responsable de tout ce qu’il introduit dans son corps, notamment les compléments alimentaires.
Afin d’éviter une contamination à son insu, il est vivement conseillé de choisir des produits porteur d’une référence labellisée par un organisme indépendant certifié comme par exemple Sport Protect, garantissant une protection vis-à-vis du consommateur.

LE COACH NATIONAL MET EN GARDE TOUS LES COUREURS
Dans un article du Het Laast Nieuws paru ce jeudi, le Docteur Kries van der Mieren du Team Belgium Cycling interpelle tous les coureurs à ce sujet : ‘’De tels problèmes ne sont pas nouveaux. Pour Belgian Cycling, je donne des présentations à de jeunes coureurs depuis maintenant dix ans. Cela inclut, entre autres, les écueils dans le domaine du dopage. On sait qu’avec les compléments alimentaires disponibles en vente libre, il y a forcément une chance d’avoir un contrôle positif. Il est important que tout le monde soit conscient que cette possibilité existe. Tout le monde, absolument n’importe qui peut être le prochain Toon Aerts demain.’’
DES TESTS DE PLUS EN PLUS PRÉCIS
La lutte antidopage dans le cyclisme est, quoi qu’on en dise, une des plus strictes dans le monde du sport. Le nombre de contrôles associé à la minutie des tests en laboratoire en font une arme à double tranchant. D’une part nous sommes entrés dans une nouvelle ère qui, disons-le, fait du bien au cyclisme et lui redonne ses lettres de noblesse, mais on assiste d’autre part à une hypervigilance qui pourrait se retourner contre les coureurs : « Je recommande la prudence à tous les cyclistes », enchaîne le Docteur Van der Mieren. « Je suis convaincu que d’autres cas suivront. Les techniques de détection d’aujourd’hui sont si précises qu’elles peuvent détecter les plus petites microdoses. » En outre, il semblerait qu’ils ne vérifient pas le létrozole spécifiquement, mais un composé, soit une partie du létrozole, que l’on peut également retrouver dans d’autres produits. La situation est loin d’être simple, on vous l’avait bien dit !
Van der Mieren voit deux écueils majeurs. D’une part une contamination involontaire d’un complément dans l’entreprise qui le fabrique, et d’autre part à la pharmacie lors de la préparation magistrale : « J’ai parlé à plusieurs pharmaciens et aucun n’a pu garantir que leurs gélules « maison » sont complètement labellisée sans dopage. Je conseille à tous de garder les cartons des produits que vous utilisez. De cette façon, vous avez quelque chose à quoi vous raccrocher en cas de problème. » C’est de cette manière que la coureuse néerlandaise Denise Betsema, accusée de dopage en 2019, avait pu prouver son innocence. Le complément alimentaire ‘’suspect’’ avait été envoyé à l’UCI sous son emballage d’origine et l’athlète avait été innocentée. Mais en vertu du fait que le coureur est responsable de ce qui entre dans son corps, elle avait écopé d’une peine de 6 mois. L’UCI semble adopter ici la même attitude avec le longiligne coureur belge.
LA CONFIANCE EN TOON EST INTACTE
Toon Aerts essaie depuis le début de prouver que le métabolite du létrozole est entré involontairement dans son corps : « C’est une tâche ardue« , relate Van der Mieren, qui par contre garde toute sa confiance envers le coureur : « Je le connais bien, c’est quelqu’un qui avait, pour ainsi dire, déjà peur de prendre un simple Dafalgan ! Mais cela ne change rien : l’UCI et l’AMA veulent un système aussi étanche que possible. Sinon, il y aura toujours des athlètes qui vont chercher à naviguer entre deux zones. » Il semble clair maintenant que l’UCI, en donnant une suspension de deux ans uniquement, donne raison in fine au coureur sans pour autant se montrer clément.
Aerts affirme qu’il n’abandonnera pas sa lutte pour prouver son innocence, mais il se rend bien compte que ce sera très difficile : « Au plus tard en février 2024, ma deuxième carrière commencera. Cette sanction à mon encontre je la ressens comme une injustice. Avec le règlement actuel, tous les cyclistes courent le risque d’être suspendu en étant innocent. »