Les Strade Bianche peuvent-elles être élevées au même rang que Milan-Sanremo, le Tour des Flandres, Paris-Roubaix, Liège-Bastogne-Liège et le Tour de Lombardie ? La jeune course toscane sur gravier est souvent qualifiée de 6ème monument du cyclisme, tant par une certaine presse que par ses organisateurs qui ne cachent pas leur volonté d’y apposer ce statut mythique.
UNE IDÉE DES ORGANISATEURS
Encouragée par de nombreux passionnés de cyclisme qui considèrent dorénavant la classique italienne comme « le sixième monument », l’organisateur de la course essaie aujourd’hui par tous les moyens d’acquérir ce statut. Une des raisons parmi lesquelles les détracteurs à l’idée de « monumentaliser » la course en Toscane se sont toujours montrés réticents est la longueur de l’épreuve, à peine 184 kilomètres ! Cette année elle en fera 30 de plus : « Nous aimerions devenir un monument, la course doit donc faire plus de 200 kilomètres », affirme sans se cacher Mauro Vegni, organisateur de la course et actuel patron du Giro. (Ndlr : le Christian Prudhomme version italienne).
QU’EST-CE QU’UN MONUMENT CYCLISTE ?
Revenons simplement à la base de la définition d’un « monument » : du latin « monumentum », (dérivé du verbe moneō « se remémorer »), le mot désigne à l’origine une création, un ouvrage architectural permettant de rappeler un événement ou une personne, d’où sa signification première de « tombeau ». Aujourd’hui ce terme est employé plus largement pour désigner tout objet permettant de perpétuer la mémoire d’un homme ou d’un événement remarquable et ce, pour la postérité et cette définition donne tout son sens aux 5 courses cyclistes désignées par le terme de « monument ».
En effet, ces 5 courses sont des piliers de l’histoire du cyclisme et nous insistons DEPUIS SES DÉBUTS et reprennent donc à leur palmarès les plus grands champions de l’histoire. Ce sont des marqueurs temporels reprenant TOUTES LES GENERATIONS de champions depuis les débuts des courses cyclistes. Pour rappel, le plus jeune des monuments est le Tour des Flandres créé en… 1913. Ce n’est donc pas seulement une histoire de difficultés ou de longueur de parcours. On touche au sacré du sport vélo, et malheureusement le vélo n’échappe pas à cette mode de désacralisation qui s’organise depuis 10 ans au sein des sociétés occidentales.
Si les Strade Bianche devaient s’élever au rang de « monument », il serait inconcevable de n’y trouver aucune trace de grands champions italiens qu’étaient Coppi, Bartali, Gimondi et plus récemment Bettini ou Nibali par exemple. Ou par extension, un palmarès d’un monument sans Merckx, Van Looy et de Vlaeminck qui sont les seuls à avoir gagner les 5 monuments risquerait de décrédibiliser le fait d’en avoir gagné 5 à l’époque. Entre gagner les 5 monuments historiques et 4 monuments + 1 Strade Bianche, il y a un gouffre immense qu’un certain Philippe Gilbert n’a jamais pu franchir par exemple.
PHILIPPE GILBERT SCEPTIQUE EGALEMENT
En parlant du dernier cycliste à avoir approché le Graal de gagner tous les monuments, Philippe Gilbert témoigne aussi de ses réserves au sein du journal « La Capitale » : « Il n’y a pas de place pour un sixième Monument dans le calendrier et s’il fallait absolument en choisir un sixième, ce ne serait certainement pas les Strade Bianche« , a immédiatement déclaré l’ex-cycliste. Notre compatriote reprend le même argument historique que le nôtre pour étayer son avis et va même plus loin : La Clasica San Sebastian ou l’Amstel Gold Race présenteraient pour lui beaucoup plus d’arguments pour être considérées comme des monuments : un parcours dépassant les 220 kilomètres, une très longue histoire et un palmarès particulier.
(Olivier Gilis)