Après une saison pleine chez les Espoirs, avec des victoires aux championnats de Belgique du chrono, au Nieuwsblaad, à Borloo, au Memorial Igor de Craene, 3e de Paris-Roubaix, 2e de Liège-Bastogne-Liège,… autant dire que nous étions tous curieux de voir Robin dans le peloton des pros cette année.
Pour autant, nous étions sans nouvelles depuis le début de la saison de ce coureur talentueux avec un potentiel énorme, capable de briller autant sur les Flandriennes que sur les Ardennaises.
Le jeune coureur de Lotto Cycling Team vient aujourd’hui de briser le silence sur son blog. Et l’histoire est loin d’être simple pour Robin Orins. Victime d’une grosse dépression, il se confie sur son avenir et termine sur une note d’espoir qui devrait soulager ses nombreux fans.
Voici quelques extraits de son (long) message :
‘ Ces derniers mois, j’ai été absent des réseaux sociaux mais surtout du peloton cycliste. Je me sens presque prêt à revenir faire ce que j’aime le plus, mais d’abord, j’aimerais partager quelque chose avec vous tous. ‘
‘ Beaucoup de rumeurs ont circulé, la plupart d’entre-elles étaient complètement absurdes, donc je veux rétablir la vérité. 2024 a été une année réussie pour moi en termes de performance. Je suis devenu plus fort, j’ai gagné des courses, j’ai concouru à un niveau élevé, le tout couronné par un contrat professionnel. ‘
‘ Après les championnats du monde à Zurich, je me suis senti complètement épuisé, physiquement et mentalement. J’en avais marre de tout : les médias, la pression, j’avais juste besoin de repos, pas de vélo, pas de plan sur l’avenir pendant un moment. J’avais besoin de temps pour moi, … mais ce moment n’est jamais arrivé. ‘
‘ Je n’ai jamais complètement pu relâcher la pression et me recharger complètement. Je suis tombé malade. Mon système immunitaire était en dessous de à. Mon corps était épuisé, physiquement et mentalement. ‘

‘ Après mon stage en Espagne pour préparer la saison 2025, quand je suis rentré à la maison, on m’a diagnostiqué une récurrence de l’infection respiratoire que j’avais eue il y a deux ans. Ce fut un sacré coup au moral. ‘
‘ J’ai commencé à avoir des attaques de panique fréquemment. J’ai perdu l’appétit. J’ai arrêté de vouloir sortir de chez moi. J’étais coincé dans un cercle vicieux. J’ai passé des heures à pleurer, à essayer de me retrouver moi-même entre les attaques de panique. J’ai eu peur – j’ai peur de tout, mais surtout de moi. ‘
‘ Je n’avais plus l’énergie pour faire du vélo. J’ai été forcé de faire une pause. La vie ne semblait plus avoir de sens. Je me suis senti inutile et j’avais des pensées troublantes. C’est là que j’ai commencé à chercher de l’aide. ‘
‘ J’ai commencé à prendre des médicaments et j’ai suivi une thérapie intensive pour me remettre sur les rails et en particulier pour trouver la cause profonde de ma souffrance. J’ai eu une enfance difficile marquée par un trouble anxieux récurrent, mais qui était sous contrôle depuis 7 à 8 ans. Ce que j’ai vécu, c’est une résurgence de ce trouble, déclenchée en ignorant les signes avant-coureurs de ces traumatismes non résolus. ‘
‘ J’ai passé des jours à travailler sur mon rétablissement, et ça m’a coûté beaucoup de larmes, mais jour après jour, j’ai commencé à me sentir mieux. J’ai beaucoup appris sur moi-même, des choses que je ne savais pas et des choses que je pouvais encore améliorer. ‘
‘ En avril, j’ai recommencé à rouler à vélo, principalement pour redécouvrir la joie de faire du vélo et ne plus le voir comme une obligation. Les premières sorties ont été extrêmement difficiles. Je paniquais quand une voiture passait trop près de moi. Mais au bout d’un moment, les choses ont recommencé à redevenir familières, et j’y ai retrouvé de la joie. ‘
‘ Il est étrange de voir comment on peut changer d’état d’esprit. En janvier, je ne voyais plus devenir cycliste, alors que maintenant, je m’amuse à nouveau sur mon vélo et me prépare pour la prochaine étape du processus. Une fois que je me sentirai prêt à recommencer à courir, je le partagerai sur mes réseaux sociaux. ‘
‘ Je sais que beaucoup de gens ne comprendront pas – si vous n’avez pas traversé ce genre d’épreuves, vous ne pouvez pas imaginer à quel point c’est difficile. Je suis convaincu que je ne suis pas le seul avec une histoire comme celle-ci. A bientôt … sur les courses ! ‘

Le cas de Robin Orins est loin d’être un événement isolé et il paraît indispensable maintenant que les équipes professionnelles s’entourent également de psychologues voire de thérapeutes compétents pour soutenir les coureurs, surtout les plus jeunes car la plupart des équipes du World Tour actuellement ont des équipes de développement avec des jeunes coureurs qui, pour rappel, sont toujours en pleine croissance. Il est possible également que le décès soudain de Tijl De Decker, véritable pépite du cyclisme belge, ami et coéquipier d’Orins ait laissé des traces profondes au niveau psychique chez ses coéquipiers.
On pourrait croire que vivre de sa passion est la garantie d’une existence épanouie, d’un chemin pavé de joie et de sérénité. Pourtant, cette idée romantique (surtout dans le cyclisme) cache une réalité bien plus nuancée : c’est précisément parce qu’on s’investit corps et âme dans ce qui nous anime que la passion peut devenir une arme à double tranchant.
Quand on donne tout à une activité, on y met non seulement son temps et son énergie, mais aussi ses émotions, ses espoirs et parfois son identité… comme dans le cas de Robin Orins. Cette intensité, si elle est source de moments d’euphorie, peut aussi mener à l’épuisement, au doute, voire à une forme de submersion, comme l’a vécu récemment Arnaud de Lie.
La nuit noire étant passée, souhaitons le meilleur à l’homme nouveau que deviendra Robin dans les mois à venir. Il est inconcevable qu’un tel talent ne puisse montrer au monde du vélo la meilleure version de lui-même !
Olivier Gilis

Photo d’illustration : © Brecht Steenhouwer