Il serait impensable de faire la fine bouche après un bilan aussi bon de nos coureurs noir-jaune-rouge au cours de ces Championnats du monde. Dans notre article du 21 septembre dernier, nous avions établit une palette allant de 4 à 8 médailles selon le degré de réussite de nos troupes.
Avec un bilan de 6 médailles dont 2 d’or, la Belgique se trouve en 2e position du tableau des médailles, juste derrière l’Australie qui glane la première place à la faveur d’un titre sur le chrono mixte, une épreuve qui pour nous ne devrait même pas être au programme tant le résultat est anecdotique puisqu’il manquait les grosses nations et dont la finalité nous échappe. Quel est l’intérêt de donner un titre et un maillot distinctif pour une épreuve qui ne se déroule que deux fois par an (Championnats d’Europe et du Monde) ?
TABLEAU DES MEDAILLES
Avec deux titres mondiaux chez les élites, 2 médailles de bronze chez les Espoirs et 2 médailles chez les juniors (Argent et bronze), la Belgique confirme son statut de première nation mondiale au ranking UCI. Notre talon d’Achille reste les catégories de jeunes chez les Dames mais avec des coureuses telles que Margot Vanpachtenbeke, victorieuse du Tour de Toscane, ou encore Lore de Schepper, 8e du Tour de Romandie à seulement 18 ans et victime malheureuse d’un ennui mécanique sur ces mondiaux, notre avenir s’annonce sous de meilleurs auspices.
Rang | Nations | 🥇 Or | 🥈 Argent | 🥉 Bronze | Total |
1. | AUSTRALIE | 2 | 2 | 0 | 4 |
2. | BELGIQUE | 2 | 1 | 3 | 6 |
3. | ALLEMAGNE | 2 | 1 | 1 | 4 |
4. | GRANDE-BRETAGNE | 2 | 1 | 1 | 4 |
5. | ITALIE | 1 | 1 | 3 | 5 |
6. | PAYS-BAS | 1 | 1 | 2 | 4 |
7. | ESPAGNE | 1 | 1 | 0 | 2 |
8. | FRANCE | 1 | 0 | 0 | 1 |
8. | SLOVÉNIE | 1 | 0 | 0 | 1 |
10. | SLOVAQUIE | 0 | 2 | 1 | 3 |
11. | ÉTATS-UNIS | 0 | 1 | 1 | 2 |
11. | SUISSE | 0 | 1 | 1 | 2 |
13. | SUEDE | 0 | 1 | 0 | 1 |
REMCO ET LOTTE, TOUJOURS AU RENDEZ-VOUS
On peut ergoter sur le fait que Remco n’ait pas jugé utile de suivre l’attaque de Tadej Pogacar dans la course en ligne la jugeant sur le moment « suicidaire’, mais qui aurait pu prévoir une telle désorganisation derrière la chevauchée historique de Pogacar ? Même des coureurs tels que Mathieu van der Poel n’ont pas jugé bon non plus de suivre l’ogre slovène.
Par contre force est de reconnaître que lorsque Remco se prépare pour un événement, il ne se loupe que très rarement. Son titre sur l’épreuve chronométrée est un petit bijou de maîtrise et de sang froid. A l’heure où tous les spécialistes du chrono sont accrochés à leur capteur de puissance comme une tique sur son hôte, le fait de partir avec un capteur inutilisable rend la performance encore plus spectaculaire. Interrogé à ce sujet par Geraint Thomas dans son podcast Watts Occurring, Remco affirme en outre que ce manque de repères lui a couté entre 30 et 40 secondes !!!
Avec 3 titres internationaux majeurs cette année (doublé aux JO et titre mondial sur chrono), Remco a tout simplement marqué l’histoire du cyclisme belge et même mondial. On rêvait du double-double, mais il faut parfois rester réaliste dans l’enthousiasme parfois débordant que provoque un tel coureur. Il reste humain et … c’est très bien comme ça.
Quant à Lotte, que dire sinon que tactiquement elle a été d’un cynisme total envers ses concurrentes. Certains la pensaient intouchable après son succès au Tour de Romandie récemment, mais c’était sans compter sur le fait que les conditions climatiques particulièrement difficiles durant la course en ligne l’ont terriblement handicapées.
Transie de froid et coupant son effort à plusieurs reprises, on l’a rarement vu aussi accablée sur une course avec un parcours taillé pour ses qualités. Mais le mental a fait le reste… et quel mental ! Lotte est tout simplement en train de d’écrire sa légende et de devenir la meilleure cycliste belge de tous les temps, et ce n’est pas fini ! Deux fois sur le podium d’un Grand Tour (2e au Tour de France 2023 et 2e au Giro cette année), il n’est pas interdit de la voir évoluer et viser un succès sur ce genre de parcours à l’avenir et d’étoffer un palmarès déjà très riche.
LES JUNIORS HOMMES ONT LE CHRONO EN POUPE !
On a encore vibré avec nos jeunes juniors sur le chrono. Contre toute attente, Matisse Van Kerckhove qui s’élançait parmi les premiers concurrents, a longtemps trusté la première place en passant notamment devant des favoris comme le Hollandais Mouris ou encore le Champion du Monde sortant, le Danois Philipsen.
Jasper Schoofs confirme quant à lui son énorme talent en ayant décroché en une semaine une autre deuxième place après celle glanée sur les championnats d’Europe. Un futur crack qui aura tout le temps de progresser l’année prochaine chez Soudal Quickstep.
Soulignons par ailleurs l’excellent travail fourni au sein de nos équipes de jeunes (Acrog-Tormans, Crabbé-Dstny, etc…) qui placent désormais la Belgique au sein des top nations sur le chrono. Quel boulot fantastique !
EDOUARD CLAISSE AU RENDEZ-VOUS
Les Juniors belges n’ont certes pas réussi à se tailler une place dans le top 10 sur la course en ligne, la faute à pas de chance il est vrai avec une rapide chute de Jasper Schoofs et des ennuis de santé pour Jenthe Verstraete et Loic Boussemaere. Matisse Van Kerckhove est le seul que nous avons pu suivre lors de la retransmission télévisée. Longtemps avec les 10 meilleurs, il sera victime d’une petite chute et terminera finalement 16e.
Un seul Belge sera certainement content de sa performance ce soir, il s’agit d’Edouard Claisse qui termine à une brillante 11ème place après un final solide. Pour rappel, le jeune Belge n’est qu’à sa première année chez les Juniors et seuls deux coureurs ‘ Juniors 1 ‘ le devancent au classement final : l’Américain Barry et le Norvégien Oksnes (son concurrent chez les cadets). Et dire qu’il n’était que réserviste à la base…
Cette 11e place aura pour mérite de remettre les points sur les ‘ i ‘ et de booster la confiance pour son dernier objectif de la saison : la « Philippe Gilbert Juniors ».
UNE SELECTION BELGE CONTROVERSEE
- LE CAS TIM WELLENS
‘Wellens avait un accord avec Pogacar‘. Cette phrase de Félix Pouilly a fait l’effet d’une petite bombe sur les réseaux sociaux : L’ancien coureur cycliste français professionnel entre 2016 et 2017, chroniqueur sur l’excellent podcast « Le Late Cycling » présenté par Nicolas Fritsch et Antoine Besson et invité des plateaux TV comme chroniqueur (notamment sur RTL TVI pour commenter le cyclo-cross), affirme avec aplomb lors dudit podcast qu’un coureur belge actuellement chez les pros lui aurait confirmé qu’un accord avait bel et bien été passé entre Tim Wellens et Tadej Pogacar avant la course. Il porterait sur le fait que le Belge ne roulerait pas derrière Tadej si le Slovène était seul devant. Une information à prendre avec des pincettes toutefois tant il nous semble de notre côté improbable qu’un coureur aussi fair-play que Tim Wellens puisse se soumettre à de telles tractations.
Par contre, il est évident qu’hier nous n’avons pas retrouvé un Tim Wellens à son top niveau, flamboyant équipier pour Pogacar en temps normal, sa chasse derrière le Slovène avec l’équipe belge aura duré moins d’une minute. Pas non plus à son affaire au GP de Wallonie, pour nous c’est plutôt sa sélection qui pose question plus que sa mauvaise performance hier.
On peut aussi s’interroger également sur la sélection de Jasper Stuyven et Tiesj Benoot qui étaient manifestement tous les deux sur les rotules après une saison bien remplie. En outre, on n’a quand même eu l’impression (peut-être erronée) que la motivation était sans doute moindre depuis le forfait de Wout van Aert. De dire que Jasper et Tiesj ont volontairement levé le pied hier, c’est bien sûr un pas que nous ne franchirons pas. Par contre on peut quand même s’étonner qu’ils n’aient pas laissé leur place à des coureurs belges avec un niveau de forme ascendant en cette fin de saison (Vansevenant, Berckmoes, van Wilder…).
- L’ABSENCE DES SOUDAL-QUICKSTEP
Sven Vanthourenhout nous aura habitué à des sélections parfois improbables et sujettes à discussion. Normal me direz-vous, c’est le cas dans tous les pays, la Belgique ne faisant pas exception avec le cyclisme comme sport national numéro 1. Cependant les sélections de Mauri Vansevenant et d’Ilan Van Wilder étaient pour nous d’une logique implacable. Pourquoi priver Remco Evenepoel, notre seul et unique leader, de deux de ses coéquipiers (et lieutenants) de la Soudal alors que ceux-ci sont en excellente forme (Mauri a été étincelant sur le Tour du Luxembourg).
N’oublions pas que pour les championnats d’Europe, si Patrick Lefevere ne fait pas le forcing pour la sélection de Tim Merlier, non sélectionné au départ, le titre passe sous le nez de la Belgique. Malheureusement pour la sélection des mondiaux, l’influence de Patrick Lefevere n’aura pas fait effet. Sven Vanthourenhout a voulu contre vents et marées garder Wellens dans l’équipe alors que Patrick Lefevere s’est également insurgé dans la presse flamande de la non-sélection des lieutenants de Remco et n’hésitant pas à remettre de l’huile sur le feu en déclarant que : ‘ Tim Wellens n’oubliera pas subitement qu’il est le coéquipier de Tadej Pogacar 364 jours par an ‘.
Cité avec insistance chez UAE TEAM EMIRATES, l’équipe de Tadej Pogacar et de Tim Wellens, on espère sincèrement que le choix de notre désormais ex-coach national n’ait pas été dicté par ce futur rapprochement.
- LA JURISPRUDENCE DRIES DEVENYNS
Lieutenant de Julian Alaphilippe dans l’équipe de Patrick Lefevere, le fidèle équipier belge avait décliné sa sélection pour Imola en 2022 lorsque Julian Alaphilippe est devenu champion du Monde pour la première fois. La raison invoquée était honnête, il ne se voyait pas courir contre son équipier avec lequel il avait en outre noué des liens d’amitiés. On le sait, Tim Wellens est dans le même cas avec Tadej Pogacar avec qui le courant passe vraiment très bien et le mot « bromance » n’est pas du tout usurpé dans ce cas de figure comme en témoignent leurs tweets sur les réseaux sociaux ci-dessous.
Afin d’éviter un conflit moral de double allégeance ou tout simplement des accusations sans preuves lancées sur les réseaux sociaux comme relaté plus haut, il serait sans doute plus sain ET pour l’équipe ET pour le coureur lui-même, de ne plus le sélectionner en équipe nationale si un conflit d’intérêt entrait encore en jeu. Personne ne lui en voudrait s’il se déclarait incapable de se livrer à 100% contre son leader dont il se sent visiblement très proche.