Alors que nous avons tout juste tourné la page d’une nouvelle année, je voulais évoquer avec vous un exploit mémorable qui s’est réalisé il y a, maintenant, plus de 25 ans : lors de la Vuelta 1999, un homme allait marqué les esprits lors de ce qui fût sa dernière grande victoire professionnelle. Il s’agit bien entendu de Frank Vandenbroucke qui donnait là peut-être, la plus grande leçon de sa carrière et la plus grande impression qu’il n’ait jamais laissé. À mon sens, plus encore que son numéro sur La Doyenne au printemps de la même année.
Sur une grande partie de l’étape qui menait les coureurs à la médiévale citée d’Avila, l’équipe Cofidis a livré un véritable récital avant de laisser place au talent naturel de son leader dans le final. Une fois que le dernier équipier de VDB se relevait, Alberto Elli, au début du dernier col de la journée (le Puerto de Navalmoral classé en 2nd catégorie), notre défunt compatriote allait dégager, à la fois, une formidable impression d’aisance, de puissance et d’explosivité.
Avec un grand braquet, souvent sur le grand plateau, il allait égrener le peloton des favoris. Un à un, il sautait du groupe tel du maïs que l’on transforme en pop-corn. Pourtant la pente n’était pas la plus forte, mais l’allure du champion qui rêvait d’offrir les fleurs à sa nouvelle compagne ne leur laissait aucune chance. Des rescapés, ne restait que les grimpeurs les plus aguerris de ce Tour d’Espagne : Jan Ullrich, maillot doré de leader sur les épaules, Igor Gonzalez de Galdeano, dauphin du leader allemand, Roberto Heras futur quadruple vainqueur de la Vuelta, Pavel Tonkov ancien vainqueur du Tour d’Italie, José Maria Jimenez vainqueur du classement de la montagne, Mikel Zarrabeita ainsi que Leonardo Piepoli :
« Je voulais montrer qu’il n’avait pas à attaquer et que j’étais le meilleur. » Ce dernier voyant le sommet approcher et voulant récolter des points pour le classement de la montagne se permettait un attaque. Tout de suite réprimandé par Frank qui plaçait un contre d’une puissance monstre qui obligeait l’Italien de la Banesto à sprinter dans la roue du Belge pour rester au contact. Asphyxié par l’attaque, terrible, VDB laissait sur place et pantois les hommes du classement général. Il passait au sommet, glanait les points tant convoités par Piepoli, et créait un écart de quelques secondes sur ses poursuivants.
Dans un reportage consacré à cette folle année 99, il expliquait : « Je voulais montrer qu’il n’avait pas à attaquer (Piepoli) et que j’étais le meilleur ». Le meilleur, d’ailleurs, restait à venir : une fois le groupe des favoris revenu dans la descente, il étonnait encore son monde et particulièrement son Directeur sportif, Alain Deloeil. Et pas de n’importe quelle manière puisqu’il lui demandait: « Alain, tu veux que je gagne comment? » Ne sachant pas à quoi ressemblait le final, l’Enfant terrible du cyclisme belge décidait d’attendre et d’économiser ses forces. Frank ne le savait pas, mais les derniers kilomètres étaient cousu main pour ses qualités intrinsèques : des pavés en légère montés. Le reste appartient à l’histoire : Zarrabeita démarrait, Fank plongeait dans sa roue et plaçait un attaque MONUMENTALE, d’une explosivité à couper le souffle, pour se détacher du coureur de la ONCE. En 200 mètres à peine, il prenait 13 secondes d’avance, un écart monstrueux en si peu de temps. Le reste était un one man show jusqu’à l’arrivée où il saluait la foule tel un artiste réalisant son succès. Fin de la partie factuelle.
C’était absurde par après de voir à quel point j’ai gagné aussi facilement ce jour-là. Je voulais donner les fleurs à Sarah (son amour de l’époque) et elle avait promis de dormir avec moi si je gagnais. Je devais donc absolument remporter cette victoire d’étape !
Place au cœur d’enfant qui était le mien : mes mirettes en ont pris plein les yeux ! J’ai depuis assisté à des succès retentissants comme ceux de Pogacâr, de Contador, d’Andy Schleck, de Nibali, mais surtout de Gilbert et de Boonen, etc. Mais rien n’égale ce que j’ai ressenti ce jour de septembre 1999. Voir un coureur, Belge qui plus est, réaliser une telle prestation, faire ce qu’il veut, quand il veut et avec une telle aisance appartient à un moment suspendu dans le temps. Son objectif était de devenir champion du monde deux semaines plus tard sur le circuit de Vérone, et sans sa chute et ses deux poignets cassés, je suis convaincu qu’il aurait atteint son dessein. Mais voilà, c’était le champs du cygne d’une carrière qui fût comme Frank, une étoile filante, mais tellement brillante qu’elle restait et reste encore au firmament du cyclisme mondial.
CLASSEMENT DE L’ETAPE
ETAPE COMPLETE / 19E ETAPE VUELTA 1999