Nous étions enthousiastes à l’annonce de la candidature de Philippe Gilbert au poste de sélectionneur national. Quoi de plus naturel quand on connaît l’immense palmarès du coureur ! L’annonce officielle de l’intronisation de Serge Pauwels fait quand même débat et amène nécessairement à se poser les questions qu’une telle nomination va nécessairement soulever.
GILBERT PERSONA NON GRATA ? SURRÉALISTE !
Plusieurs éléments en faveur de la nomination de Philippe Gilbert auraient logiquement dû être pris en considération :
- Il a une compréhension intime des qualités des cyclistes belges, ayant lui-même brillé sur les terrains où ils excellent historiquement, comme les classiques. Il connaît aussi les pièges auxquels ils font face et pourrait adapter les sélections et stratégies en fonction des forces et faiblesses individuelles de ses coureurs.
- Il a déjà porté le maillot de champion de Belgique et celui de champion du monde. Il sait donc ce que signifie courir pour son pays et porter le poids des attentes nationales, notamment lors des Mondiaux ou des courses avec une grande pression. Il a connu les moments de réussite et les échecs, et cette compréhension de l’enjeu national est un atout pour un poste de sélectionneur, car il pourrait mieux gérer les pressions et préparer les coureurs pour les grands rendez-vous internationaux.
- Il a souvent montré une grande intelligence tactique tout au long de sa carrière. Il a été reconnu pour sa capacité à saisir le bon moment pour attaquer et pour sa gestion des courses d’un jour, où la stratégie est cruciale. En tant que sélectionneur, il aurait pu utiliser cette expertise pour orchestrer des tactiques d’équipe efficaces, notamment dans les classiques et les courses sur circuit où les qualités belges sont prédominantes : C’est ce qui a cruellement manqué dans les catégories juniors et espoirs récemment où on a souvent eu du mal à lire les consignes venant des différents staffs, au point où on se demandait même si lesdites consignes avaient été données. Et malheureusement, c’est dans ces catégories qu’officiait Serge Pauwels. Rappelons-nous des derniers Championnats d’Europe chez les jeunes. On a assisté à des stratégies de course assez improbables dans les rangs belges.
- Tout au long de sa carrière, il a su motiver et inspirer ses coéquipiers, et il est souvent perçu comme une figure charismatique, appréciée et capable de créer une cohésion forte au sein de son équipe. Son sens de la course et son mental de gagnant auraient permis de canaliser les talents belges, souvent nombreux mais parfois en concurrence, vers un objectif commun.
Les émoluments demandés par Gilbert étaient-ils trop élevés ? Probablement pas. Mais par contre notre fédération a en tout cas redouté la venue d’un homme qui n’aurait pas hésité à mettre un coup de pied dans la fourmilière si des problèmes internes lui étaient apparus.
SERGE PAUWELS, LE CHOIX DE LA CONTINUITÉ
Par contre, il faut rendre à César ce qui est à César : Serge Pauwels a fait de l’excellent travail avec les jeunes, notamment en ce qui concerne l’écolage en montagne. Sur le site de Belgian Cycling, il déclare notamment à ce sujet : ‘vouloir créer un environnement idéal tant pour les coureurs que pour le staff afin que nous puissions exceller en équipe. J’ai également hâte de retrouver dans l’équipe les juniors avec lesquels j’ai travaillé ces dernières saisons dans les catégories supérieures dans les années à venir afin de pouvoir suivre davantage leur parcours.’
Pauwels est également reconnu pour son calme, son humilité et ses compétences relationnelles. Ces qualités humaines sont pour nous essentielles pour le rôle de sélectionneur, car elles facilitent la communication avec les coureurs, les directeurs sportifs, et les autres membres de l’encadrement. Le fait qu’il ait un excellent contact avec nos jeunes pépites renforce encore plus son attachement légitime avec notre équipe nationale, ce qui en fait un atout indéniable.
Il est évident qu’un sélectionneur qui sait écouter et gérer les personnalités variées de l’équipe est plus susceptible de créer un environnement de confiance, où chaque coureur se sent valorisé et prêt à donner le meilleur de lui-même.
Mais on peut quand même émettre des doutes sur certains points et non des moindres :
- Bien qu’il ait lui aussi une bonne connaissance du peloton, il a davantage évolué dans les Grands Tours en montagne et comme équipier. Son expérience moins marquée dans les classiques et courses de plaine pourrait le désavantager pour la sélection et l’optimisation des forces belges dans les courses sur lesquelles la Belgique a de grandes ambitions.
- Bien qu’il soit un coureur respecté, Pauwels est beaucoup moins charismatique et moins central dans l’imaginaire cycliste belge qu’un Philippe Gilbert. Cela peut rendre plus difficile le rassemblement de l’équipe autour de lui, surtout lors des Championnats du monde où les attentes sont élevées et où une figure fédératrice est essentielle, ce qui a cruellement manqué lors des derniers Mondiaux où certains coureurs de l’équipe nationale belge ont eu des comportements étranges lors de la course.
- Serge Pauwels a, quant à lui, un profil de coureur endurant et polyvalent, mais il a moins souvent été exposé aux responsabilités tactiques en tant que leader. Son expérience tactique est surtout celle d’un coureur d’équipe travaillant pour les autres, ce qui pourrait limiter sa capacité à anticiper et à réagir aux besoins changeants d’une course.
- Aura-t-il les épaules assez solides pour gérer des coureurs qui font partie, pour reprendre ses mots, de l’une des générations belges les plus fortes de tous les temps’, et surtout assumer et gérer la pression si les résultats ne sont pas ceux attendus ? Mystère…
CONCLUSION
En choisissant Serge Pauwels, la fédération belge a, semble-t-il, voulu continuer avec un homme dont elle connaît le cursus par cœur mais nous prive malheureusement pour la deuxième fois d’un coach avec une véritable envergure !
Mais restons sérieux, dans quel pays se priverait-on de nommer un coureur avec un tel palmarès et une telle expérience, qui plus est, parlant parfaitement les deux langues nationales ? Il suffit de lire la presse internationale pour comprendre que la non-nomination de Philippe Gilbert est vue comme une certaine anomalie.
Qu’à cela ne tienne, et maintenant que le choix est acté, on souhaite bien évidemment que l’ère Pauwels soit aussi prolifique que celle de Vanthourenhout ! Après tout, son profil en tant qu’ancien coéquipier lui donne une perspective unique pour rassembler et coordonner l’équipe, tandis que ses expériences internationales ont certainement enrichi son approche pour réussir le tour de force de construire une équipe unie et prête à relever les défis des grandes compétitions à venir. Nous ne demandons qu’une seule chose en résumé : être agréablement surpris !